Il serait téméraire de vouloir établir une division mensuelle pour l'enseignement de la lecture : tout dépend de la méthode adoptée, du livre employé et des progrès des enfants plus ou moins bien préparés. Nous nous contenterons de donner quelques indications(...) Insistons tout d'abord sur l'importance de la lecture dans ce cours; les élèves n'y lisent pas encore couramment, d'où la nécessité d'accorder dans la répartition horaire une large place à cette matière du programme, et, dans chaque leçon, la plus grande partie du temps à l'exercice mécanique.
Voici comment nous comprenons une leçon de lecture dans le cours élémentaire :
1° Nous écrivons au tableau noir trois ou quatre mots qui présentent une difficulté de prononciation, puis trois ou quatre mots dont le sens nous paraît ignoré de la majorité de nos élèves. Nous énonçons très distinctement les premiers; nous expliquons rapidement les autres, en mentionnant les phrases où ils sont employés et où nous les remplaçons par des synonymes plus simples ou mieux connus;
2° Nous lisons, très distinctement, en exagérant un peu l'articulation, le premier fragment du morceau; nous le faisons relire ensuite par un bon élève qui essaye de nous imiter; un élève moins avancé reproduit le même texte; la suite est abordée par un troisième et un quatrième. Chaque élève ayant déchiffré une ou deux phrases est invité à expliquer un mot difficile. Nous continuons de la même manière, fragment par fragment, jusqu'à la fin du morceau;
3° Nous relisons le morceau tout entier et nous le faisons résumer, non pas en posant la fameuse question : "Que venons-nous de lire ?" qui reste presque toujours sans réponse, mais par une série de questions plus précises. Nous mettons en relief l'idée générale et, s'il y a lieu, nous tirons la conclusion pratique;
4° Nous faisons relire le morceau collectivement; mais, à chaque instant, nous coupons cet exercice par une lecture individuelle de quelques mots, pour soutenir l'attention de tous;
5° Nous croyons que la lecture individuelle est la plus active, la plus fructueuse, la plus probante; mais nous reconnaissons qu'il est difficile d'obtenir que toute la classe la suive effectivement. C'est pourquoi nous invitons les enfants à lire dans un ordre qui n'est connu que de nous; nous ne les interrompons point pour signaler les fautes commises; mais, la phrase lue, nous prions les élèves de nous les indiquer. Nous considérons la lecture collective comme un mal nécessaire dans une classe nombreuse, afin que tous les élèves puissent lire, mais nous la rejetons au second plan.
6° Nous sommes persuadés que la lecture collective nous donne une idée fausse du niveau général de la classe, parce qu'elle est conduite par les élèves les plus forts, que les faibles n'y prennent qu'une part passive et enfin parce qu'elle trop souvent chantante. Nous connaissons des maîtres de grande valeur qui ne partagent point notre manière de voir et qui obtiennent par l'exercice collectif des résultats remarquables. Ceux-là contituent une exception; ils nous donnent des leçons et n'ont point besoin de nos directions
extrait de : Programme officiels des écoles primaires élémentaires, F.Mutelet et A.Dangueuger, Librairie Hachette et Cie, 1912